Sorj Chalandon, Emmanuel Meirieu

"Mon traître"

Il est de ces pièces qui font envie en dépit des années, du lieu où elles ont été créées (ici en l’occurrence, le théâtre de Vidy en 2013) bref, envers et contre toute logique car il s’avère urgent pour la personne programmatrice d’un théâtre de faire entendre une voix. A ma droite, celle de Sorj Chalandon qu’on ne présente plus, écrivain puissant, Grand prix du roman de l’Académie française en 2011 entres autres récompenses. A ma gauche, Emmanuel Meirieu, metteur en scène qui tire de la pâte humaine des pièces ardentes. Le résultat de ces deux talents conjugués donne Mon Traître, une courte pièce plébiscitée par la presse et qui n’a cessé de tourner depuis sa création.
On peut faire du beau théâtre avec presque rien – un micro dans la pénombre, un brouillard blanc … – du moment qu’on tient un grand texte et des comédiens habités. C’est ce miracle qui se produit sous les yeux. Le spectacle inspiré de l’histoire personnelle de Sorj Chalandon, nous plonge dans l’Irlande du Nord des années 70. À Belfast, Antoine, luthier parisien passionné de musique traditionnelle irlandaise, rencontre Tyrone Meehan, un leader de l’IRA qui devient son ami. Vingt-cinq ans plus tard, le chef Meehan avouera avoir servi d’informateur aux services secrets britanniques. Un traître donc. Comment peut-on être amené à trahir ? Peut-on aimer un parjure ?
Emmanuel Meirieu convie le public à se poser avec intelligence et sensibilité des questions existentielles. Cultivant la retenue, il se pose en maître de l’émotion. La mise en scène vrille le cœur. Il ne cesse de pleuvoir sur les planches. On en ressort les pieds au sec mais les yeux humides. Bouleversant et aussi déchirant qu’intelligent.

• • Plus d'informations : theatre-octogone.ch

L’Octogone – Théâtre de Pully