Jean Otth

«Les espaces de projection»

Le Musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne (MCBA), partenaire de Payot Libraire, présente «Les espaces de projection», une synthèse des univers de travail explorés par l’artiste Jean Otth, en particulier la vidéo.

L’écran, qui fait aujourd’hui partie de la banalité quotidienne, était dans les années 1960-1970 un médium insolite mais prometteur, dont l’usage limité symbolisait davantage le manque d’imagination de ses exploitants de type «commercial» que ses réelles potentialités. Les artistes européens et nord-américains, eux, comprirent vite quel parti pouvait être tiré de ces images faciles à travailler.

Parmi eux, le plasticien lausannois Jean Otth (1940-2013) fait figure de pionnier. Passé par une double formation académique, Lettres et philosophie d’un côté, peinture de l’autre, il aborde la recherche artistique sous l’angle de l’exploration. Exploration des techniques, et c’est là que la vidéo naissante rencontre son travail, mais aussi de la limite, entre ce qui se montre et ce qui se voit, ce qui se voit et ne se voit pas, ne se voit pas et se devine. Entre le support et l’image, l’immobile et l’animé, le solide et le fugace…

Organisée avec sobriété, intelligence et finesse émotionnelle par Nicole Schweizer, conservatrice de l’art contemporain au MCBA, «Les espaces de projection» invite à un parcours subtil à travers les périodes et les techniques qui ont scandé la carrière de Jean Otth. La plus spectaculaire, dans tous les sens du terme, accueille le visiteur, immédiatement fasciné par les vidéos en noir et blanc, œuvres des années 1970, qui défilent sur de multiples cubes-écrans. Énigmatiques, des scènes oniriques, abstraites, sensuelles ou étrangement prosaïques se déroulent à un rythme qui intrigue, et fascine par son indépendance. Tantôt étendues ou répétées à l’infini, tantôt bousculées par un masquage intempestif et frustrant, elles semblent vivre d’une vie propre, et faire ainsi du spectateur un «regardeur».

Plus loin, les travaux proprement graphiques expriment à leur tour la prégnance de cette quête du visible sous le masque, de l’invisible derrière l’image, et cette mise en valeur du support et de son dépassement : dépassement de la peinture sur le cadre ou le mur, de la peinture sprayée sur la peinture appliquée, dépassement aussi de la provocation pour pousser – sans violence mais inévitablement – à un autre regard, une rencontre hors des codes attendus. Le thème érotique s’y décline là jusqu’à l’abstrait avec une ingéniosité narrative, une tendresse, une ironie parfois qui force à l’intelligence, au sens compréhensif du terme.

Puis, dans une pénombre bienfaisante, comme un naos mérité, l’ultime espace révèle des images mouvantes, hypnotisantes, arrachées à l’obscurité. Inversant le système de la fenêtre ou du miroir, c’est aux marges de la surface, unie et opaque, que surgit le motif animé, fragment de kaléidoscope au graphisme parfait. Tiré, pourtant, de bien reconnaissables éléments… Inspiré et libre, l’artiste en a saisi la beauté abstraite ; généreux, il invite à partager cette vision nouvelle en la projetant dans l’espace.

En trois étapes tout est dit, et le lien se crée naturellement. Tandis que, sur les tables-vitrines, de précieux et passionnants carnets de travail – si rarement montrés – invitent à une incursion dans l’imaginaire créatif de Jean Otth…

L’exposition propose un survol de près de cinquante ans de création, toutes techniques confondues.
• Exposition «Jean Otth. Les espaces de projection»: Musée cantonal des beaux-arts, Lausanne, jusqu’au 12 septembre 2021
• Conférence-projection «Jean Otth et les réseaux de l’art vidéo» par François Bovier: MCBA, jeudi 2 septembre 2021 (entrée libre, inscription obligatoire)

Crédit photo: Exposition Jean Otth / MCBA

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